Nullité de la saisie conservatoire ordonnée par le Président du Tribunal de commerce : quand l’avocat plaidant signe la requête à la place de l’avocat postulant

Case Study, Droit bancaire

Dans le cadre d’un litige relatif à un contrat de prêt, le Cabinet LE BOT défendait les intérêts d’une société faisant l’objet d’une saisie conservatoire sur son compte bancaire, à hauteur d’un million d’euros.

À l’occasion de cette procédure, le Cabinet LE BOT a obtenu, devant la Cour d’appel de Paris, la nullité de l’ensemble de la procédure et, en conséquence, la mainlevée de la saisie conservatoire.

Les faits à l’origine du litige : un prêt d’un million d’euros

Une société avait souscrit un prêt, à hauteur d’un million d’euros, auprès d’un investisseur. À la suite du décès de ce dernier, ses héritiers avaient lancé une procédure de saisie conservatoire sur les comptes de la société, considérant que le prêt était nul.

Ils avaient obtenu, par ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Paris, la saisie à titre conservatoire de la somme de 960.000 euros sur le compte bancaire de la société.

Pour contester la saisie, la société saisie soutenait notamment que la requête aux fins de saisie conservatoire était nulle, en raison d’un vice de fond, ce qui devait entraîner la nullité de toute la procédure et, partant, la mainlevée de la saisie conservatoire.

Déboutée en première instance devant le Président du Tribunal de commerce de Paris, la société saisie interjetait appel.

La nullité de la requête aux fins de saisie conservatoire : l’absence de signature de l’avocat constitué

La nullité de la requête se fondait sur la circonstance suivante : la requête était présentée au nom des héritiers par un avocat inscrit au barreau de Lyon, mentionné comme « avocat plaidant », mais la première page de la requête mentionnait également un avocat parisien « postulant », constitué pour les héritiers.

Or, la requête était signée par l’avocat plaidant.

Pour mieux comprendre en quoi cela était susceptible de constituer une nullité de la procédure, il convient de rappeler quelques règles propres à la procédure de saisie conservatoire.

L’article R511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « La demande d’autorisation prévue à l’article L. 511-1 est formée par requête ».

L’article 57 du code de procédure civile dispose que la requête doit être signée, à peine de nullité.

L’article 853 du code de procédure civile dispose « Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce ».

L’article 414 du code de procédure civile prévoit qu’« une partie n’est admise à se faire représenter que par une seule des personnes, physiques ou morales, habilitées par la loi ».

Enfin, l’article 117 du code de procédure civile dispose que « Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte : Le défaut de capacité d’ester en justice ; Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ; Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice ».

En application des règles précitées, la jurisprudence précise que la requête doit être datée et signée par l’avocat constitué. À défaut, la Cour de cassation considère, selon une jurisprudence constante, que la requête est nulle d’une nullité de fond (Civ. 2ème, 24 févr. 2005, no 03-11.718 [cassation de l’arrêt Cour d’appel de Pau, 2 décembre 2002, n° 01/01660], Bull. civ. II, no 49 ; Cour d’appel d’Agen, 18 septembre 2013, n° 12/01676).

Or, en l’espèce, la requête aux fins de saisie conservatoire n’était pas signée par le seul avocat constitué (« l’avocat postulant »).

En conséquence, la société saisie soutenait que la requête n’était pas signée par la seule personne déclarée comme assurant la représentation en justice des requérants, ce qui constituait un vice de fond affectant la validité de l’acte.

La décision de la Cour d’appel : nullité de l’ensemble de la procédure et mainlevée de la saisie

Déboutée en première instance, la société saisie interjetait appel et obtenait la mainlevée de la saisie devant la Cour d’appel de Paris.

Dans sa décision, la Cour d’appel de Paris reprenait l’argumentation de la société saisie, au visa de l’article 117 du code de procédure civile, en jugeant que :

«  (…) il y a lieu de constater que Me [X], avocat au barreau de Lyon, ne pouvait valablement signer cette requête, non pas à cause des règles de la postulation, mais parce qu’il n’était pas constitué pour les consorts [E].

En effet, la requête mentionne de manière expresse que les requérants constituent Me [I] [L] chez laquelle ils élisent domicile.

Il en résulte que seul cet avocat avait le pouvoir de représenter les consorts [E] et de signer la requête litigieuse en leur nom.

Dans ces conditions, il y aura lieu de prononcer la nullité de la requête du 8 mars 2021, qui emporte nullité de l’ordonnance du 11 mars 2021. L’ordonnance entreprise sera donc infirmée et il sera donné mainlevée de la mesure conservatoire détaillée au dispositif ».

Cette décision de la Cour d’appel de Paris souligne l’importance du respect strict des règles de représentation en justice. Le défaut de signature par l’avocat dûment constitué constitue un vice de fond, entraînant la nullité de la procédure et la mainlevée des mesures conservatoires.

Cette jurisprudence rappelle aux parties l’importance des détails et de la rigueur procédurale dans la mise en œuvre des voies d’exécution.

Le cabinet LE BOT se tient à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner dans vos litiges bancaires, vos procédures de saisies et s’engage à défendre vos intérêts avec rigueur et expertise.

Lire la décision en intégralité sur le site de la Cour de cassation :

CA Paris, pôle 1 ch. 3, 21 sept. 2022, RG n° 22/02313

Mikaël Le Bot - Avocat Expert en Droit Bancaire à Paris