Crédit impayé et dettes anciennes : les banques ont-elles encore le droit de réclamer ?

Droit bancaire

Les dettes financières et les crédits impayés peuvent devenir une source d’anxiété pour les emprunteurs. En France, le crédit est un outil largement utilisé pour l’achat immobilier, les véhicules ou encore pour des dépenses personnelles. 

Mais lorsque les échéances ne sont pas honorées, la question souvent posée est : combien de temps une banque peut-elle légalement réclamer une somme due ?

Cet article vous aide à comprendre les droits des banques en matière de réclamations de dettes anciennes, les délais de prescription applicables, les recours pour les débiteurs et les stratégies à adopter pour éviter les complications juridiques liées aux crédits non remboursés.

Que faut-il comprendre du crédit impayé et des dettes anciennes ?

Un crédit impayé se produit lorsque l’emprunteur ne parvient pas à honorer ses échéances de remboursement conformément au contrat de crédit. Cela peut concerner tout type de prêt, qu’il s’agisse de crédits à la consommation, d’un prêt immobilier ou encore de découverts bancaires.

Une dette ancienne, quant à elle, fait référence à une créance dont le remboursement est attendu depuis un certain temps, mais qui n’a pas encore été soldée par le débiteur.

Ces situations peuvent entraîner des sanctions, des intérêts supplémentaires et même des poursuites légales si elles ne sont pas traitées à temps. 

Mais, jusqu’à quand la banque peut-elle légalement maintenir un débiteur pour une dette ou un crédit impayé ? Cela nous amène à la notion suivante.

Les délais de prescription et de forclusion : le cadre légal en France

En France, les dettes, comme les crédits impayés, ne sont pas éternellement réclamables par les banques. Elles sont soumises à des délais de prescription ou de forclusion, qui varient en fonction de la nature du prêt et du type de créance.

Délai de prescription : Le délai de prescription est un mécanisme juridique qui vise à éteindre une action en justice ou une obligation en raison de l’écoulement du temps. Il est conçu pour consolider une situation juridique en empêchant les actions tardives, tout en laissant les parties libres de respecter ou non leurs obligations. La prescription est donc un mode d’extinction d’un droit ou d’une action en justice par l’écoulement d’un délai fixé par la loi. Le délai de prescription éteint l’action en justice ou l’obligation, mais les parties restent libres de respecter leurs engagements.

Le délai de prescription n’est pas toujours d’ordre public, sauf disposition légale contraire. Le délai de prescription débute généralement à partir de la connaissance du droit ou de l’obligation par le créancier et peut être suspendue ou interrompue par certains actes (ex. reconnaissance de dette, demande en justice).

Délai de forclusion : Le délai de forclusion, quant à lui, est un mécanisme procédural qui conditionne l’exercice d’un droit à l’accomplissement d’une action dans un délai déterminé. Si ce délai n’est pas respecté, le droit d’agir est définitivement perdu, et l’action devient irrecevable.

Contrairement à la prescription, la forclusion est une règle d’ordre public et ne peut être aménagée par les parties. Le délai de forclusion débute à partir d’un événement précis fixé par la loi ou le contrat ne peut pas être suspendu ou interrompu, sauf disposition légale expresse.

Voici quelques délais courants en matière de crédits et de dettes bancaires en France :

  • Les crédits à la consommation : En matière de crédit à la consommation, les actions en paiement engagées par le prêteur à l’encontre de l’emprunteur défaillant doivent être intentées dans un délai de deux ans à compter de l’événement qui leur a donné naissance, comme le premier incident de paiement non régularisé (article R. 312-35 du Code de la consommation). Ce délai est un délai de forclusion, ce qui signifie qu’il ne peut être ni suspendu ni interrompu, sauf exceptions prévues par la loi. 
  • Les prêts immobiliers : l’article L. 218-2 du Code de la consommation prévoit que l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs, y compris les prêts immobiliers, se prescrit par deux ans. Ce délai s’applique notamment aux actions en remboursement d’un crédit immobilier exercées par un établissement bancaire contre un emprunteur consommateur
  • Les découverts bancaires : Le délai de forclusion applicable aux actions en paiement d’un découvert bancaire est de deux ans. Ce délai est prévu par l’article L. 312-93 du Code de la consommation, combiné avec l’article R. 312-35 du même code. Ce délai commence à courir à partir de l’expiration d’un délai de trois mois suivant le dépassement non régularisé du montant autorisé du découvert. En d’autres termes, le point de départ du délai de forclusion est fixé à 90 jours après le dépassement si aucune régularisation n’est intervenue dans ce délai (Cass. 1re civ., 25 mai 2022, n° 20-23.326).

Qu’advient-il après la prescription ?

Une fois le délai de prescription expiré, la dette est considérée comme éteinte d’un point de vue juridique. En d’autres termes, la banque ne peut plus légalement exiger le paiement de cette dette ni intention d’action en justice pour récupérer les fonds. 

Cependant, cela ne signifie pas que la dette disparaît entièrement. Elle peut toujours figurer dans les systèmes internes des banques ou des organismes de recouvrement, mais aucune poursuite judiciaire ne peut être engagée contre le débiteur.

Il est important de souligner que si une banque ou un organisme de recouvrement tente malgré tout de récupérer une dette prescrite, le débiteur peut se défendre en invoquant la prescription devant les tribunaux. 

Toutefois, certaines actions peuvent interrompre ou suspendre ce délai.

Comment le délai de prescription peut-il être interrompu ou suspendu ?

Il existe en effet des événements qui peuvent interrompre ou suspendre le délai de prescription. Cela permet à la banque de réactiver son droit de réclamer la dette, même après la fin de la prescription. 

Voici les principaux éléments qui peuvent entraîner ce scénario :

1. Interruption de la prescription

L’interruption de la prescription fait repartir le délai de prescription à zéro. Elle efface le délai déjà écoulé et un nouveau délai recommence à courir après l’événement interruptif. Voici les principaux éléments d’interruption du délai :

  • Reconnaissance de la dette par le débiteur : Si le débiteur reconnaît la dette (par exemple par un paiement partiel ou une lettre d’aveu), le délai de prescription est interrompu.
  • Demande en justice ou assignation : Lorsqu’une action en justice est intentée, le délai de prescription est interrompu. Peu importe que l’action soit recevable ou non.
  • Mesures d’exécution forcée : Une saisie, un commandement de payer, une opposition sur salaire, une mesure conservatoire ou toute autre mesure coercitive interrompt également la prescription.

Effet de l’interruption : Le délai de prescription repart de zéro à partir du jour où survient l’acte interruptif.

2. Suspension de la prescription

La suspension de la prescription n’efface pas le délai écoulé, mais arrête simplement son cours pendant une certaine période. Une fois la cause de suspension levée, le délai reprend là où il s’était arrêté. Les causes de suspension sont prévues par les articles 2230 et suivants du Code civil. Voici les principales causes :

  • Impossibilité d’agir : La prescription est suspendue lorsque la personne est dans l’impossibilité d’agir en raison d’un empêchement résultant de la loi, d’une convention ou de la force majeure (C. civ., art. 2234) ;
  • Médiation ou conciliation : La prescription est suspendue à compter du jour où les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation, ou à défaut d’accord écrit, à compter de la première réunion de médiation ou de conciliation (C. civ., art. 2238) ;
  • Mesures d’instruction ordonnées avant tout procès : Lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction avant tout procès (par exemple, une expertise judiciaire), la prescription est suspendue jusqu’à l’exécution de cette mesure (C. civ., art. 2239

Effet de la suspension : Le délai reprend son cours dès que la cause de suspension prend fin.

Droits et protections des emprunteurs face aux crédits

En tant que débiteur, il est essentiel de connaître ses droits lorsqu’on fait face à une banque ou un organisme de recouvrement. Voici quelques protections dont bénéficient les emprunteurs en France :

  • Le surendettement : Si un débiteur se trouve dans l’incapacité de rembourser ses dettes, il peut déposer un dossier de surendettement auprès de la Banque de France. Ce mécanisme permet de rééchelonner ou même d’effacer certaines dettes, offrant ainsi une protection contre les poursuites judiciaires des créanciers.
  • Les pratiques abusives : Les banques et organismes de recouvrement sont tenus de respecter certaines règles de déontologie. Ils ne peuvent harceler les débiteurs avec des appels téléphoniques incessants ou menacer de saisir des biens sans une décision de justice préalable. Le débiteur peut porter plainte en cas de pratiques abusives.
  • La négociation : Avant d’utiliser des mesures coercitives, il est souvent possible de négocier un échéancier de paiement avec la banque. Attention toutefois, cela peut valoir reconnaissance de dette et interrompre les délais.

Que faire si la banque continue de réclamer une dette prescrite ?

Malgré la loi, certaines banques ou organismes de recouvrement peuvent tenter de récupérer des dettes qui sont légalement prescrites. Voici les démarches à suivre si vous êtes confronté à cette situation :

  1. Vérifier la date de la dette : La première étape consiste à déterminer la date d’origine de la dette et de comparer avec les délais de prescription légale. Il est fortement conseillé de se faire assisté par un avocat.
  2. Envoyer une lettre de contestation : Si vous constatez que la dette est prescrite, vous pouvez envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception à la banque ou à l’organisme de recouvrement, en invoquant la prescription. Il est important de conserver une copie de cette lettre.
  3. Se défendre en justice : Si la banque engage des poursuites malgré la prescription, vous pouvez contester cette action devant le tribunal en fournissant les preuves que la dette est bien prescrite. Un avocat vous sera utile en ce sens.

Conclusion : les banques ont-elles encore le droit de réclamer les dettes anciennes ?

En résumé, les banques ont effectivement le droit de réclamer un crédit impayé ou une dette ancienne, mais uniquement dans les limites des délais de prescription ou de forclusion.

Ces délais varient selon le type de prêt ou de créance, et une fois expirés, les débiteurs ne peuvent plus être légalement contraints de payer. 

Cependant, il est important de rester vigilant et de connaître ses droits, car certaines actions ou comportements peuvent interrompre ces délais. Si vous êtes dans une situation de dettes impayées ou anciennes, la consultation de conseils juridiques appropriés peuvent vous permettre de trouver une solution adaptée et d’éviter des complications à long terme.