Peut-on encore emprunter après avoir eu un cancer ? Les dispositifs existants

La question de l’emprunt après un cancer est une préoccupation majeure pour de nombreuses personnes souhaitant réaliser des projets de vie, tels que l’achat immobilier. Il est tout à fait possible d’emprunter après avoir eu un cancer. Bien que le cancer soit toujours considéré comme un risque aggravant par les assureurs, des mécanismes ont été mis en place pour faciliter l’accès à l’assurance emprunteur dans ces situations.

Lorsque vous contractez un emprunt, qu’il s’agisse d’un crédit à la consommation, d’un prêt immobilier ou d’un prêt professionnel, la banque exige généralement la souscription d’une assurance emprunteur. Cette assurance est destinée à garantir le remboursement du prêt en cas de décès ou d’invalidité de l’emprunteur. Pour les personnes ayant ou ayant eu un problème de santé, obtenir une assurance avec la même couverture et les mêmes conditions tarifaires que les autres peut être difficile.

La Convention AERAS : S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé

Signée par les pouvoirs publics, les fédérations professionnelles bancaire et financière, de l’assurance, de la mutualité, ainsi que les associations de malades et de consommateurs, la convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) a été mise en place pour faciliter l’accès à l’assurance et à l’emprunt pour les personnes présentant un risque aggravé de santé que la convention AERAS a été mise en place. Encadrée par les articles L. 1141-2 à L. 1141-6 du Code de la santé publique, cette convention couvre les crédits à la consommation, les prêts immobiliers et les prêts professionnels. Il est important de noter que la convention AERAS n’oblige pas les banques et assurances à faire une proposition d’assurance.

Le Droit à l’Oubli

Un élément clé de la convention AERAS, spécifiquement pour les anciens malades du cancer, est le « droit à l’oubli ». Ce dispositif permet aux personnes ayant été atteintes d’un cancer de ne pas déclarer cette pathologie à l’assureur lors de la souscription d’une assurance emprunteur, sous certaines conditions. L’objectif est de faciliter leur accès au crédit en supprimant les discriminations liées à leur état de santé passé.

Depuis la loi n° 2022-270 du 28 février 2022, le délai du droit à l’oubli a été uniformisé. Il s’applique si 5 ans se sont écoulés depuis la fin du protocole thérapeutique, sans rechute. Ce délai de 5 ans s’applique quel que soit l’âge auquel le cancer a été diagnostiqué. Auparavant, il était de 10 ans pour les cancers diagnostiqués à l’âge adulte et de 5 ans pour ceux diagnostiqués avant 18 ans.

Les assureurs proposant un contrat d’assurance de groupe sont tenus de fournir aux emprunteurs un document d’information détaillant les conditions d’application du droit à l’oubli.

Outre le cancer, le droit à l’oubli s’applique également aux personnes anciennement atteintes d’hépatite C, sous la même condition de délai de 5 ans sans rechute depuis la fin du protocole thérapeutique. La convention AERAS prévoit des négociations pour étendre ce droit à d’autres pathologies chroniques.

Le Questionnaire de Santé et la Loi Lemoine

Traditionnellement, pour obtenir une assurance emprunteur, les assureurs demandent de remplir un questionnaire de santé. Si vous avez eu un cancer et que vous ne pouvez pas bénéficier du droit à l’oubli (parce que le délai de 5 ans n’est pas écoulé), vous devrez déclarer votre pathologie passée ou actuelle dans ce questionnaire. Cette obligation s’appuie sur l’article L. 113-2 du code des assurances. Il est fortement conseillé de faire preuve de sincérité et de transparence dans votre déclaration. Une fausse déclaration, même involontaire, peut entraîner la nullité du contrat, à condition que cette fausse déclaration ait changé l’objet du risque ou en ait diminué l’opinion pour l’assureur (article L 113-8, al. 1 du code des assurances). Cela signifie que l’assureur pourrait refuser de vous indemniser en cas de sinistre, voire vous demander le remboursement des sommes déjà versées.

Cependant, depuis la promulgation de la Loi Lemoine en février 2022, le questionnaire de santé a été supprimé dans certains cas pour les prêts immobiliers. Vous n’avez pas à remplir de questionnaire de santé si vous remplissez simultanément deux conditions:

  • Vous êtes âgé de moins de 60 ans à la fin du remboursement de votre crédit.
  • Le montant de la part assurée de votre prêt est inférieur ou égal à 200 000 €.

Si ces conditions sont remplies, l’assurance ne saura pas si vous avez eu un cancer ou si vous êtes en cours de traitement, et vous serez assuré aux mêmes conditions qu’une personne sans risque aggravé de santé. Même dans ce cas, il est crucial de lire attentivement la liste des exclusions de garantie dans le contrat d’assurance.

Pour les crédits à la consommation, il est possible de bénéficier d’une assurance emprunteur sans remplir de questionnaire de santé sous certaines conditions spécifiques : être âgé de 50 ans au maximum, avoir une durée de crédit inférieure ou égale à quatre ans, et ne pas dépasser un montant de crédit de 17 000 €. De plus, une déclaration sur l’honneur est requise pour attester que vous n’avez pas cumulé de prêts dépassant ce plafond.

Risque Aggravé de Santé, Surprime et Exclusions

Lorsque le droit à l’oubli ne s’applique pas (par exemple, si le délai de 5 ans n’est pas écoulé ou s’il y a eu rechute) et que la suppression du questionnaire de santé via la Loi Lemoine n’est pas non plus possible, le cancer est généralement considéré comme un « risque aggravé de santé » par les assureurs. Cela peut avoir un impact sur le contrat d’assurance emprunteur:

  • L’assureur peut proposer une majoration du montant de la prime d’assurance (une surprime). Cette surprime peut varier en fonction du type de cancer et se situer, selon les exemples donnés, entre 50% et 200% de majoration sur certaines garanties (comme le décès, la PTIA, l’IT).
  • L’assureur peut appliquer des exclusions de garantie sur certains risques, par exemple ceux liés au cancer ou à une récidive.
  • L’assureur peut refuser de vous assurer.
  • L’assureur peut reporter sa décision (ajournement).

Une surprime n’est pas nécessairement une mauvaise chose, car elle peut permettre d’obtenir l’assurance nécessaire pour réaliser un projet, même si le coût est plus élevé.

La Grille de Référence AERAS

La convention AERAS comprend également une grille de référence. Cette grille fixe, pour certaines pathologies (dont des cancers), les délais au-delà desquels aucune majoration de tarif ou exclusion de garantie ne peut être appliquée. Pour d’autres pathologies, elle définit le taux de surprime maximum applicable. Cette grille est régulièrement mise à jour. Par exemple, elle a récemment été modifiée pour faciliter l’accès à l’assurance pour les personnes vivant avec le VIH.

Procédure en cas de Refus d’Assurance

Si vous présentez un risque aggravé de santé et que vous ne remplissez pas les critères du droit à l’oubli ou de la Loi Lemoine, et qu’un assureur refuse de vous assurer, la convention AERAS prévoit une procédure spécifique comportant jusqu’à trois niveaux d’examen.

  • Niveau 1 : L’assureur examine le dossier selon des critères standards et propose une assurance ou refuse.
  • Niveau 2 : En cas de refus au premier niveau, le dossier est automatiquement transféré pour un réexamen personnalisé au sein d’un dispositif d’assurance de deuxième niveau. À ce stade, des informations médicales complémentaires, voire un questionnaire détaillé à remplir par votre médecin, peuvent être demandées.
  • Niveau 3 : Si l’assureur ne peut toujours pas faire de proposition au niveau 2, le dossier est transmis à une commission spéciale des risques aggravés (parfois appelée Bureau Commun d’Assurances Collectives ou BCAC) qui statue sur la situation.

Cette procédure s’applique à la souscription d’un prêt immobilier si certaines conditions sont réunies simultanément : le prêt ne dépasse pas un certain montant (420 000 € depuis 2023, sauf pour un prêt relais résidence principale) et l’emprunteur ne dépassera pas 70 ans à la fin du prêt. Notez que l’une des sources mentionne un montant maximal de 320 000 euros pour le prêt immobilier pour bénéficier de l’AERAS, tandis que d’autres sources plus récentes indiquent 420 000 €. Les sources de 2025 précisent bien ce montant de 420 000 € pour les prêts immobiliers.

Les décisions de refus, d’ajournement, d’exclusion de garantie ou de surprime doivent être motivées de manière claire et explicite. Vous pouvez contacter le médecin de l’assurance ou votre propre médecin pour connaître les raisons médicales de la décision.

En cas de refus d’assurance de prêt immobilier, il est conseillé de multiplier les demandes auprès de différentes compagnies d’assurance. Chaque assureur a ses propres règles. Utiliser les services d’un courtier peut être très utile pour comparer les offres et trouver la meilleure solution.

Garanties et Contrat d’Assurance

L’assurance emprunteur vise à prendre en charge le remboursement du prêt en cas de sinistre (décès, incapacité, invalidité) vous empêchant de travailler ou de rembourser. Les garanties habituellement incluses dans un contrat d’assurance de prêt sont:

  • Garantie Décès.
  • Garantie Perte Totale et Irréversible d’Autonomie (PTIA).
  • Garantie Incapacité Temporaire Totale (ITT).
  • Garantie Invalidité Permanente Totale (IPT).
  • Garantie Invalidité Permanente Partielle (IPP).

Pour l’achat d’une résidence principale, les banques exigent souvent les garanties Décès, PTIA, ITT et IPT. Pour un investissement locatif, elles se contentent souvent des garanties Décès et PTIA. Dans le cadre de l’AERAS, la banque peut parfois accepter une assurance ne couvrant que la PTIA pour un investissement locatif.

Des garanties facultatives peuvent être utiles en cas de cancer, comme la garantie Incapacité Temporaire Partielle (ITP) en cas de temps partiel thérapeutique, ou la garantie Perte d’Emploi. Si la maladie a des répercussions sur le moral ou le dos, une garantie maladies non objectivables (MNO) peut être souhaitable, car les garanties ITT/IPT classiques ne couvrent pas ces pathologies.

Lors de la souscription, prêtez une attention particulière aux exclusions de garantie, aux délais de carence et de franchise, aux modalités d’indemnisation, et aux barèmes d’invalidité ou d’incapacité.

Que faire si le cancer survient en cours de prêt ?

Si un cancer se déclare pendant la durée du prêt immobilier, vous avez l’obligation de le déclarer à votre assureur, même s’il n’entraîne pas d’arrêt de travail (l’article L. 113-2 du code des assurances). Si le cancer entraîne un arrêt de travail, la déclaration à l’assureur (déclaration de sinistre) peut permettre la prise en charge des mensualités par l’assurance, selon les termes du contrat.

Il est recommandé de vérifier si votre contrat d’assurance contient une clause d’irrévocabilité des garanties au moment de la souscription. Une telle clause garantit que l’évolution de votre état de santé ne pourra pas entraîner une augmentation de prime ou un refus de prise en charge par la suite.

Conclusion

En résumé, il est possible d’emprunter après avoir eu un cancer grâce notamment au droit à l’oubli et aux dispositifs de la convention AERAS. La Loi Lemoine a également facilité l’accès à l’assurance en supprimant le questionnaire de santé sous certaines conditions de montant et d’âge. Si ces dispositifs ne s’appliquent pas, la situation est examinée dans le cadre de l’AERAS, pouvant impliquer une surprime ou des exclusions, avec une procédure en plusieurs niveaux en cas de refus initial. La transparence dans la déclaration de santé est essentielle pour éviter des conséquences graves. Il est conseillé de comparer les offres et de se faire accompagner, si nécessaire, pour obtenir la meilleure assurance possible.

Il est important de vérifier attentivement les conditions du droit à l’oubli et les garanties proposées par les assureurs pour s’assurer que les critères sont remplis. En cas de non-respect du droit à l’oubli dans le cadre de l’AERAS, un recours auprès de la Commission de médiation de l’AERAS est possible.

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