Alors que le cautionnement est défini par l’article 2288 du code civil comme l’engagement par lequel la caution « se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même », la garantie autonome, définie à l’article 2321 du code civil depuis l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006, est « l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues », étant précisé que « Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie ».
Pour faire obstacle à l’exécution d’une garantie internationale, le donneur d’ordre peut tenter de s’opposer au paiement en saisissant le juge des référés dans de très brefs délais afin qu’il interdise au garant de payer.
Cette demande peut être formulée sur le fondement de l’article 873 du code de procédure civile qui permet au juge de prescrire toute mesure « pour prévenir un dommage imminent ».
Toutefois, en raison même de la nature de l’engagement pris, il n’est fait droit aux demandes d’interdiction de payer que dans des cas très restreints désignés par l’article 2321 du code civil, à savoir les « cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre ».
Au-delà de ces cas limitativement énumérés, on retrouve parfois l’argumentation fondée sur la discussion de la qualification même de garantie autonome. En effet, la terminologie utilisée par les parties dans le contrat de base et dans la garantie elle-même (comme par exemple « guarantee », « letter of guarantee », « performance bonds », « first demand guarantee« , « LCSB » ) peuvent parfois prêter à confusion car ils se trouvent contredits par la teneur même de l’acte. Ces approximations et contradictions obscurcissent la différenciation entre garantie autonome et cautionnement.
Dans une telle situation, le donneur d’ordre a tout intérêt à invoquer la qualification de cautionnement, qui permet l’opposabilité des exceptions, afin de faire obstacle au paiement.
Face à ces ambiguïtés, il appartient alors au juge de déterminer si l’incertitude sur la qualification de la garantie est suffisamment importante pour en interdire le paiement. Au fond, il reviendra au tribunal de rechercher et de rétablir la qualification correspondant à la volonté des parties.
Deux critères cumulatifs caractérisent la garantie autonome et permettent de la distinguer, notamment, du cautionnement :
– d’une part, l’inopposabilité des exceptions (art. 2321 du code civil, al. 3). L’appréciation de ce critère est aisée lorsque l’acte prévoit explicitement que le garant ne peut se prévaloir d’aucune circonstance tenant au contrat de base. Or, la simple formule « à première demande » n’exprime pas en soit de façon assez claire l’inopposabilité des exceptions. En cas de doute, conformément à l’article 1190 du code civil, le contrat s’interprétera « contre le créancier et en faveur du débiteur » ;
– d’autre part, l’autonomie de l’objet de la garantie. Toute la question est de déterminer si l’engagement de payer porte sur « une somme » ou « toute somme » et non ce que doit le débiteur. En revanche, dès qu’il est question de payer des « sommes dues » ou « restant dues » par le débiteur, la garantie perd son autonomie (Com. 13 décembre 1994, 92-12.626). Toutefois, la simple référence au contrat de base est sans incidence dès lors que le montant et les modalités de la garantie sont indépendants (Com. 30 janvier 2001, 98-22.060).
Un arrêt récent donne une illustration de l’appréciation de ce dernier critère à propos d’une convention dénommée en l’espèce « first demand guarantee ». Pour écarter la qualification de garantie autonome, la Haute Cour motive ainsi sa décision :
« 10. Pour condamner la société JJW Limited à payer à la banque la somme de 22 091 922,13 euros, l’arrêt, après avoir reproduit la clause par laquelle cette société s’engageait pour « toute somme que le bénéficiaire peut réclamer jusqu’à un montant maximum égal au total des sommes échues et payables tel que défini par la convention d’ouverture de crédit au moment de la demande en paiement visée par la garantie », retient que les parties sont des commerçants avisés et sont convenues, par une convention dépourvue d’ambiguïté, excluant toute interprétation du juge, d’une sûreté reconnue par la loi française à laquelle elles se sont soumises, laquelle ne distingue pas selon l’objet de la garantie, et retient que la liberté contractuelle s’oppose à la qualification de cautionnement.
11. En statuant ainsi, alors qu’il résultait du libellé de la clause litigieuse que l’obligation de la société JJW Limited avait le même objet que celle des sociétés JJW Luxury Hotels, Amarante et Median, co-emprunteurs solidaires, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
(Com. 24 mars 2021, 19-14.082, Inédit)
En l’espèce, la mention du contrat de base n’était pas une simple référence mais définissait l’objet même de la garantie : le garant s’obligeait à payer les sommes dues par le débiteur.
Cette décision montre que la rédaction de telles garanties est un exercice difficile dont les enjeux sont souvent trop importants pour laisser place à l’erreur. Ces erreurs regrettables donnent du grain à moudre à un contentieux fourni et sont préjudiciables à la sécurité des affaires.