Il est légitime de se demander si une banque a le droit de fermer un compte bancaire et, si oui, dans quelles conditions, notamment concernant le délai de préavis. Les relations entre une banque et son client reposent sur la confiance. Le compte bancaire est un contrat, et pour un compte de dépôt à durée indéterminée, en raison du principe de prohibition des engagements perpétuels, le banquier a le droit de rompre ce contrat. Cependant, ce droit est encadré, et la nécessité d’un préavis dépend de la situation du compte : s’il est actif ou inactif, et s’il a été ouvert dans le cadre du « droit au compte ».
Clôture d’un compte actif à l’initiative de la banque
Un compte est considéré comme actif lorsque vous effectuez des opérations dessus ou sur un autre compte détenu dans la même banque. Même un compte peu utilisé reste actif si un autre compte dans la même banque l’est. Un compte de défunt est également actif si un héritier effectue des opérations dans l’année suivant le décès.
Dans le cas d’un compte actif qui fonctionne normalement, la banque peut décider de le fermer. Cette décision doit respecter les termes de la convention de compte. En principe, la banque n’a pas à justifier sa décision de clôture, sauf si le compte a été ouvert suite à la procédure de droit au compte.
Si la banque décide de clôturer un compte actif, elle est généralement tenue de vous en informer par écrit. Elle doit respecter un délai de préavis minimum de 2 mois avant la clôture effective du compte (art. L 312-1-1, V du code monétaire et financier). Ce délai est destiné à vous permettre d’ouvrir un autre compte et d’organiser la continuité de vos opérations financières. Le préavis doit vous être notifié par écrit. Pour les comptes classiques à durée indéterminée, ce préavis d’au moins deux mois est prévu par l’article L. 312-1-1, V, alinéa 3, du Code monétaire et financier.
Ce cadre légal permet à certains établissements de crédit de se séparer discrètement de clients dont le compte est jugé insuffisamment productif.
Exceptions au préavis pour les comptes actifs (hors droit au compte) :
La banque n’est pas tenue de respecter ce délai de préavis dans certaines circonstances spécifiques, notamment :
- En cas de comportement gravement répréhensible du client. La notion de « comportement gravement répréhensible » est évaluée au cas par cas. Des exemples incluent le refus de fournir des explications sur des dépôts suspects, des incivilités graves envers le personnel de la banque, ou d’autres manquements sérieux.
- Si la situation du client s’avère irrémédiablement compromise.
Cas particulier des comptes ouverts au titre du « Droit au Compte » :
Lorsque le compte a été ouvert dans le cadre de la procédure du « droit au compte » (sur désignation de la Banque de France), la banque ne peut le clôturer sans préavis que dans des cas limitativement énumérés par la loi (article L. 312-1, IV, du Code monétaire et financier). Ces cas incluent :
- L’utilisation délibérée du compte pour des opérations que la banque a des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales. Par exemple, communiquer ses coordonnées bancaires pour recevoir un virement suspect peut être considéré comme une utilisation délibérée à des fins illégales si la banque a des soupçons sérieux.
- La fourniture d’informations inexactes par le client.
- Le non-respect des conditions de domicile ou de résidence.
- L’ouverture ultérieure d’un deuxième compte de dépôt en France permettant d’utiliser les services bancaires de base.
- Des incivilités répétées envers le personnel de la banque.
- L’impossibilité pour la banque de satisfaire à ses obligations de vigilance (prévues à l’article L. 561-8 du Code monétaire et financier).
Dans ces situations spécifiques liées au « droit au compte », la banque peut procéder à la clôture du compte, parfois sans préavis, notamment si le client a utilisé son compte pour des opérations suspectées d’être illégales. En cas de résiliation pour ces motifs, la banque doit informer le client par courrier papier et également informer la Banque de France. Une motivation de la décision est imposée, sauf si cela contrevient à des objectifs de sécurité nationale ou d’ordre public.
Clôture d’un compte inactif
Un compte est considéré comme inactif s’il n’y a pas eu d’opération pendant une certaine période et si le titulaire (ou ses ayants droit) ne s’est pas manifesté auprès de la banque. Les règles diffèrent selon le type de compte :
- Compte courant : Inactif si, pendant 1 an, vous n’avez effectué aucune opération sur ce compte ou sur un autre compte dans la même banque, et vous ne vous êtes pas manifesté auprès de la banque.
- Autres comptes (épargne, comptes-titres, etc.) : Inactifs si, pendant 5 ans, les mêmes conditions d’absence d’opération et de manifestation sont remplies.
- Compte d’une personne décédée : Inactif si, pendant 1 an après le décès, aucun héritier n’a informé la banque de sa volonté de faire valoir ses droits.
Si votre compte devient inactif, la banque doit vous en informer (ou vos représentants/héritiers si connus) par tout moyen. Elle doit renouveler cette information 6 mois avant la clôture du compte. La clôture d’un compte bancaire inactif n’intervient pas de manière automatique et immédiate du seul fait de l’inactivité. La banque doit suivre la procédure d’information. En pratique, les établissements bancaires peuvent prévoir dans leurs conditions générales la possibilité de clôturer un compte inactif, mais ils doivent alors respecter les obligations d’information et, le cas échéant, le préavis prévu contractuellement ou par la réglementation applicable
La banque conserve les comptes inactifs pendant un certain délai avant de les clôturer. Ce délai est généralement de 10 ans pour les comptes courants et autres comptes, et de 3 ans pour les comptes de personnes décédées. Si le compte contient des titres, la banque les vend avant la clôture. Après ce délai, la banque transfère le solde (argent et produits de la vente des titres) à la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
La CDC conserve ensuite ces sommes pendant un certain temps : 20 ans pour les comptes courants et autres comptes, et 27 ans pour les comptes de personnes décédées. Si les sommes ne sont pas réclamées par le titulaire ou ses héritiers pendant ce délai, elles sont définitivement récupérées par l’État. Vous pouvez rechercher un compte inactif à la CDC et réclamer les sommes le cas échéant.
Conséquences de la clôture
Lorsque le compte est clôturé, son fonctionnement prend fin définitivement.
- Si le compte est débiteur (à découvert) : La banque vous envoie un courrier pour vous demander de régler la somme due.
- S’il reste de l’argent sur le compte : La banque vous rembourse la somme au moment de la clôture. Elle vous remet un document appelé « solde de tout compte ».
- La banque doit payer les chèques que vous avez émis avant la clôture, à condition que la provision sur votre compte soit suffisante. Une provision insuffisante entraînera des incidents de paiement.
- Vous devez rendre à votre banque tous les moyens de paiement dont vous disposez (chèques inutilisés, carte bancaire). Le retrait total de l’argent ne clôture pas le compte, il le solde simplement, ce qui peut entraîner des frais pour compte inactif si aucune opération n’est faite par la suite.
- Les ordres de virement ou de prélèvement permanents sont annulés à la date de réception de la demande de résiliation (pour une clôture à votre initiative). Pour une clôture à l’initiative de la banque, elle vous informera gratuitement pendant 13 mois lorsqu’un chèque, prélèvement ou virement se présente au paiement sur le compte clos.
- La banque communique la clôture du compte à la Banque de France et archive les documents pendant 5 ans.
Frais liés à la clôture : La clôture du compte est gratuite, qu’elle soit à votre initiative ou à celle de la banque. Cependant, vous devez régler les frais de services (comme la cotisation de carte) jusqu’à la date de clôture. Si vous avez payé ces frais d’avance pour une période postérieure à la clôture, la banque doit vous rembourser la partie correspondante. Pour les comptes inactifs, la banque peut percevoir des frais et commissions pendant leur période de conservation avant le transfert à la CDC, mais leur montant est plafonné pour certains types de comptes (30 €/an max pour les comptes de dépôt) et nul pour l’épargne réglementée.
Recours du client en cas de clôture
Si la banque a clôturé votre compte actif sans respecter le délai de préavis minimum de 2 mois, vous ne pouvez généralement pas contester la clôture elle-même. Le droit de clôture appartient à la banque.
Cependant, si la banque n’a pas respecté le délai de préavis obligatoire (sauf dans les cas d’exception légitimes mentionnés ci-dessus), vous pouvez réclamer des dédommagements pour le préjudice subi. Le non-respect du délai de préavis n’entraîne la responsabilité du banquier que si le client démontre l’existence d’un préjudice.
Si la banque refuse de vous dédommager, vous pouvez saisir la justice.
En résumé, la banque peut clôturer votre compte, mais elle est généralement tenue de respecter un préavis de deux mois pour un compte actif. Les exceptions au préavis sont strictes et liées à des comportements graves, des situations compromises ou des conditions spécifiques aux comptes ouverts dans le cadre du droit au compte. La clôture d’un compte inactif suit une procédure différente avec des délais de conservation longs et une obligation d’information avant le transfert des fonds à la CDC. Bien que la clôture elle-même ne soit généralement pas contestable, le non-respect du préavis peut ouvrir droit à des dédommagements.