Fraude / Erreur d’IBAN : l’obligation de la banque de vérifier le bénéficiaire (règlement européen n° 2024/886 du 13 mars 2024)

Pendant de nombreuses années, le système des virements bancaires a présenté une faille largement exploitée par les fraudeurs. L’absence de contrôle systématique de l’identité du bénéficiaire a favorisé la multiplication de détournements, en particulier les substitutions frauduleuses d’IBAN. Dans ce contexte, une nouvelle obligation réglementaire, la « Vérification du Bénéficiaire » (VoP – Verification of Payee), est en passe de redéfinir la responsabilité des Prestataires de Services de Paiement (PSP).

Cette évolution est objectivement considérée comme une étape majeure pour la sécurité des virements, son importance étant comparée à celle du 3-D secure pour les paiements par carte sur internet à son époque. Cette réforme, qui vise à réduire les cas de substitution de RIB, d’usurpation d’identité et les erreurs de saisie, impose aux Prestataires de Services de Paiement (PSP) de revoir d’urgence leurs processus internes.

Les vérifications en cas d’ordre de virement avant le règlement européen n° 2024/886 du 13 mars 2024

Jusqu’au 9 octobre 2025, l’état du droit accordait une protection étendue aux PSP en cas d’erreur de virement. En effet, ils n’étaient pas légalement tenus de vérifier que le nom du bénéficiaire donné lors de l’ordre de virement correspondait au numéro IBAN du compte destinataire.

Il convient de rappeler que l’article L 133-21 du Code monétaire et financier dispose que si l’identifiant fourni par l’utilisateur du service de paiement est inexact « le PSP n’est pas responsable de la mauvaise exécution ou de la non-exécution de l’opération de paiement ». Autrement dit, une erreur du payeur concernant l’IBAN transmis permet à son PSP, comme à celui du bénéficiaire, d’échapper à tout engagement de responsabilité. Cette solution a été confirmée de nombreuse fois par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com., 24 janv. 2018, n° 16-22.336 : JurisData n° 2018-000782. – Cass. com., 23 mai 2024, n° 22-18.098)

Le nouveau système de « Vérification du Bénéficiaire » (VoP – Vérification of Payee)

Une nouvelle ère de la vérification est désormais en place, exigeant des institutions financières une vigilance active. En effet, l’article 5 quater du règlement 2024/886 du 13 mars 2024 (modifiant les règlements UE nos 260/2012 et 2021/1230 et les directives nos 98/26/CE et 2015/2366 en ce qui concerne les virements instantanés en euros : JOUE L 2024/886, 19 mars 2024)dispose que les PSP ont l’obligation de proposer au payeur un service de « Vérification du Bénéficiaire » (VoP).

Lorsque le payeur insère l’identifiant de compte de paiement et le nom du bénéficiaire dans l’ordre de virement, un processus précis de concordance est mis en œuvre. Le PSP du payeur sollicite le PSP du bénéficiaire afin de vérifier l’adéquation entre le nom fourni et l’IBAN du compte destinataire. À cette fin, les PSP doivent mettre en œuvre des procédures internes robustes visant à garantir la fiabilité des données concernant les bénéficiaires. Cette obligation s’applique tant aux virements instantanés qu’aux virements réguliers en euros.

Afin d’éviter que le traitement de l’opération ne soit indûment bloqué ou retardé, le PSP du payeur devra s’acquitter de ce service immédiatement « après que le payeur a fourni les informations pertinentes sur le bénéficiaire et avant que le payeur ne se voie offrir la possibilité d’autoriser le virement »

Ainsi le PSP est tenu de procéder à la vérification dans trois situations différentes :

  • Correspondance partielle : le nom du bénéficiaire est proche de celui associé à l’IBAN, mais il n’est pas identique.
  • Correspondance inexistante : le nom fourni ne correspond pas à l’IBAN indiqué.
  • Compte impossible à identifier : le compte n’existe pas.

Dans tous les cas, l’utilisateur conserve sa liberté d’action. Ainsi, même en cas de non-concordance, l’utilisateur peut confirmer son ordre de paiement, le faisant alors « en toute connaissance de cause ». En conséquence, le payeur assume pleinement le risque lié à la transaction, et le PSP ayant rempli son obligation de vérification, ne verra pas sa responsabilité engagée.

En outre, il convient de noter que seuls les utilisateurs de services de paiement qui ne sont pas des consommateurs ont la faculté de renoncer à recevoir ce service. Néanmoins, les PSP doivent s’assurer que ceux qui ont choisi de renoncer conservent la possibilité, à tout moment, de réactiver le service de vérification.

Cette vérification de concordance est attendue au plus tard le 9 octobre 2025 pour les PSP situés dans un État membre dont la monnaie est l’euro, et le 9 octobre 2027 pour ceux dont la monnaie est différente.

Les conséquences du non-respect de la VoP par la Banque

Le respect de la VoP n’est pas facultatif. Il constitue désormais la condition essentielle pour que le PSP (la Banque) puisse bénéficier d’une exonération de responsabilité. Ainsi, le PSP ne pourra se dégager de toute mise en cause pour l’exécution d’un virement vers un mauvais bénéficiaire, basé sur un identifiant unique inexact au sens de l’article L. 133-21 du Code monétaire et financier, que s’il prouve qu’il a pleinement « satisfait aux exigences » de la VoP.

S’il n’a pas respecté ces exigences, les sanctions prévues sont les suivantes :

  • Si le PSP du payeur est l’auteur des manquements, il doit restituer sans tarder à l’utilisateur le montant viré et, le cas échéant, rétablir le compte débité dans la situation qui aurait prévalu si l’opération n’avait jamais eu lieu.
  • Si la faute est imputable au PSP du bénéficiaire, ce dernier devra indemniser le PSP du payeur pour le préjudice financier subi en conséquence du non-respect des obligations.

En outre, tout autre préjudice financier causé au payeur peut être indemnisé conformément au droit applicable au contrat conclu entre le payeur et le PSP concerné.

En conclusion, cette évolution devrait réduire les cas de substitution de RIB, d’usurpation d’identité, ainsi que les erreurs de saisie. En outre, une proposition de loi récente ambitionne par exemple la création d’un fichier national des IBAN douteux, centralisé à la Banque de France, consultable et alimenté par les PSP, ce qui permettrait d’identifier et de bloquer rapidement les transactions frauduleuses. D’autres mesures sont attendues par la future directive Services de paiement (DSP 3) et le futur règlement sur les services de paiement (RSP), toujours en cours de négociation à Bruxelles.

Foire aux questions

Est-ce que ma banque est tenue de m’informer s’il y a une erreur dans l’inscription de l’IBAN ?

Oui, depuis le 9 octobre 2025, la banque est tenue d’un service de « Vérification du Bénéficiaire ». Ainsi, elle doit contrôler la correspondance entre le nom du bénéficiaire renseigné par le payeur et l’IBAN du compte destinataire

À quel moment ma banque doit-elle m’informer d’un problème de correspondance entre le nom fourni et l’IBAN ?

La banque doit faire la vérification tout de suite après que le client a indiqué le nom et l’IBAN du bénéficiaire.
Cette vérification doit obligatoirement avoir lieu avant que le client ne puisse confirmer ou valider son virement.

Que doit faire la banque si le nom et l’IBAN ne concordent pas ?

En cas de non-concordance (correspondance partielle ou inexistante) entre le nom fourni et l’IBAN :

  • La banque doit informer immédiatement le payeur de la situation.
  • La banque doit également prévenir le payeur que l’autorisation du virement pourrait conduire au transfert des fonds sur un compte non détenu par le bénéficiaire indiqué.
  • Si la correspondance est « presque équivalente » (nom proche mais pas identique), la banque doit indiquer au payeur le nom exact du bénéficiaire associé à l’IBAN fourni.

Même en cas de non-concordance, le client conserve la liberté d’exécuter le virement, mais il le fait alors en toute connaissance de cause.

Est-ce que ma banque est tenue de rembourser si le nom fourni ne correspond pas à l’IBAN du compte destinataire ?

Oui, sous certaines conditions. Si la banque ne respecte pas son obligation de vérification et que ce manquement entraîne une opération mal exécutée, il doit restituer sans délai au payeur le montant viré.

Par ailleurs, la banque n’est pas tenue responsable s’il a respecté toutes les exigences de vérification mais que le payeur a choisi d’ignorer l’avertissement de non-concordance.

À partir de quand s’applique cette nouvelle obligation de vérification de l’IBAN pour la banque ?

Le calendrier d’application dépend de la monnaie de l’État membre dans lequel la banque est située :

  • Pour une banque située dans un État membre dont la monnaie est l’euro : au plus tard le 9 octobre 2025
  • Pour une banque située dans un État membre dont la monnaie n’est pas l’euro : au plus tard le 9 juillet 2027
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RGPD :

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