Le prêt d’argent entre particuliers est une pratique courante qui permet à des individus de s’entraider financièrement et de contourner les institutions bancaires. Cependant, cette opération n’est pas sans risques et doit respecter certaines règles pour éviter les conflits ou les fraudes. Cet article explore la réglementation en vigueur et les démarches de recouvrement en cas de non-remboursement.
I. Cadre Juridique et Réglementation du Prêt d’Argent entre Particuliers
Le cadre juridique, bien que parfois méconnu, est indispensable pour que les prêts entre particuliers se déroulent dans un climat de confiance et de légalité.
Que faut-il comprendre du prêt entre particuliers et quels sont ses enjeux ?
Le prêt d’argent entre particuliers, également connu sous le terme de « prêt entre amis » ou « prêt familial », désigne une transaction financière entre deux individus sans l’intervention des institutions financières traditionnelles.
Ce type de prêt est souvent conclu entre proches ou connaissances et repose généralement sur une relation de confiance.
Par nature, cette forme de prêt présente plusieurs avantages, comme la réduction des coûts et une plus grande flexibilité dans les conditions de remboursement.
Cependant, le prêt d’argent entre particuliers n’est pas sans risque, notamment en raison de la possibilité de conflits et d’implications fiscales. Il est donc essentiel de formaliser ce type d’accord pour clarifier les droits et obligations de chacun et éviter les malentendus.
Quelles sont les obligations légales du prêteur et de l’emprunteur ?
Lorsqu’il y a un accord de prêt entre deux particuliers, le respect de certaines formalités s’impose pour assurer sa validité juridique.
Le prêt d’argent entre particuliers est généralement qualifié de contrat réel, ce qui signifie qu’il se forme par la remise des fonds prêtés. Contrairement aux prêts consentis par des professionnels du crédit, qui sont des contrats consensuels, le prêt entre particuliers nécessite la remise effective des fonds pour être juridiquement formé. En effet, Le contrat de prêt consenti par un professionnel est formé dès de l’échange des consentements des parties (Cass. 1e civ. 27-11-2001 n° 99-10.633 : RJDA 4/02 n° 419 ; Cass.1e civ. 19-6-2008 n° 06-19.753 : RJDA 5/09 n° 464) tandis que, lorsqu’il est consenti par un non-professionnel, il n’est conclu qu’au moment où la somme prêtée a été effectivement remise à l’emprunteur (Cass. 1e civ. 25-6-2009 n° 08-11.931 : RJDA 12/09 n° 1112).
Si la somme prêtée est conséquente, un écrit constitue une sécurité pour le prêteur. En l’absence d’un tel document, l’emprunteur pourrait prétendre qu’il s’agit d’une donation plutôt que d’un prêt. Dans cette hypothèse, il sera présumé avoir reçu un don manuel, et il appartiendra au prêteur d’apporter la preuve du prêt. Lorsque les montants dépassent 1 500 €, cette preuve ne peut en principe être rapportée que par écrit (C. civ. art. 1359 ; Décret 80-533 du 15-7-1980). L’une des principales étapes consiste donc à rédiger un contrat de prêt comme preuve écrite lorsque le montant est supérieur à 1 500 euros (art.1359 Code civil). Chaque partie doit avoir un original (art. 1375 Code civil) et certaines formalités manuscrites (art.1376 du code civil) doivent être également remplies.
Toutefois, si les relations entre le prêteur et l’emprunteur sont particulièrement étroites, notamment entre parents et enfants, les tribunaux reconnaissent généralement une impossibilité morale d’exiger un écrit.
Quel document établir ? Il est possible de formaliser l’opération auprès d’un notaire en rédigeant un contrat de prêt. Il est également envisageable de recourir à un acte sous signature privée, qu’il s’agisse d’un contrat de prêt signé par les deux parties ou d’une simple reconnaissance de dette signée uniquement par l’emprunteur. Cet acte peut être contresigné par un avocat, garantissant ainsi qu’aucune contestation ne pourra être soulevée ultérieurement par l’emprunteur. Quelle que soit la forme choisie, l’enregistrement de l’acte peut être utile afin de lui conférer une date certaine.
Ce document doit mentionner le montant du prêt, les intérêts éventuels et les modalités de remboursement. C’est ce qui servira de preuve écrite de l’accord en cas de désaccord ou de litige.
En France, toute somme prêtée supérieure à 5 000 euros doit également être déclarée à l’administration fiscale. Cette règle vise à encadrer les transactions entre particuliers et à s’assurer que les éventuels intérêts perçus sont imposés.
En matière de prêts familiaux et de fiscalité, si le prêt est assorti d’intérêts, ces derniers sont soumis à l’impôt sur le revenu en tant que revenus de créances. Ils sont imposables au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 %, auquel s’ajoutent 17,2 % de prélèvements sociaux, ou, sur option globale du contribuable, au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Pour éviter les problèmes fiscaux et légaux, les deux parties doivent respecter ces obligations de transparence.
Quelle est l’importance de la reconnaissance de dette ?
S’il est préférable d’établir un contrat de prêt, la reconnaissance de dette peut être une alternative dans le cadre d’un prêt entre particuliers. Signé par l’emprunteur, il confirme par écrit l’engagement de rembourser le montant prêté. Ce document devient une preuve essentielle pour le prêteur en cas de non-remboursement.
Une reconnaissance de dette bien rédigée doit comporter des éléments précis comme :
- le montant emprunté ;
- le taux d’intérêt éventuel ;
- et l’échéancier de remboursement.
Bien que l’enregistrement notarié de cette reconnaissance ne soit pas obligatoire, il renforce sa valeur juridique en cas de litige, et garantit une sécurité supplémentaire pour les parties concernées.
Point de vigilance : une reconnaissance de dette signée par l’emprunteur peut constituer un commencement de preuve par écrit. Toutefois, si elle ne mentionne pas la remise effective des fonds, elle ne suffit pas à prouver le prêt, le prêt entre particuliers étant un contrat réel (Cass. 1e civ. 9 février 2012 n° 10-27.785 (n° 165 F-PBI).
Le taux d’usure ou le seuil légal de taux d’intérêt
Dans le cadre des prêts d’argent entre particuliers, il est important de comprendre la notion de taux d’usure, qui désigne le taux d’intérêt maximal légal pouvant être appliqué à une opération de prêt. Ce taux varie en fonction de la somme prêtée et de la durée du prêt.
En France, la réglementation sur le taux d’usure protège l’emprunteur contre des taux d’intérêt excessifs et expose le prêteur à des sanctions en cas de non-respect. Il est fixé chaque 3 mois par la Banque de France.
II. Recours et Recouvrement en Cas de Non-Paiement
En cas de litige, les parties peuvent se retrouver confrontées à des difficultés probatoires. Par exemple :
- Si le prêteur ne peut prouver la remise des fonds, le prêt peut être requalifié en don manuel.
- Si l’emprunteur conteste l’existence du prêt, il revient au prêteur d’apporter la preuve de la créance.
En outre, lorsqu’un emprunteur ne respecte pas les modalités de remboursement convenues, le prêteur doit envisager différentes options de recouvrement. Plusieurs étapes, de la négociation à l’intervention judiciaire, peuvent être envisagées selon la situation et le degré de coopération de l’emprunteur.
Les moyens amiables de recouvrement
La première étape dans le recouvrement des sommes dues repose sur les moyens amiables. Ces démarches permettent d’éviter les procédures judiciaires longues et coûteuses.
- La négociation directe
La négociation directe est souvent le premier recours, où le prêteur contacte l’emprunteur pour comprendre les raisons du retard de paiement et explorer ensemble les solutions possibles pour un règlement amiable. Cette approche ouverte peut aider à trouver un compromis et rétablir les paiements.
- L’échelonnement des paiements
Si l’emprunteur rencontre des difficultés financières temporaires, le prêteur peut proposer un échelonnement des paiements en révisant le calendrier de remboursement. Cette flexibilité aide l’emprunteur à se remettre à jour sans aggraver sa situation, tout en permettant au prêteur de récupérer progressivement les sommes dues.
- La mise en demeure
Enfin, si ces premières démarches échouent, le prêteur peut envoyer une lettre de mise en demeure à l’emprunteur. Ce document formel rappelle l’obligation de remboursement et fixe un dernier délai avant de passer à des actions plus contraignantes.
La mise en demeure marque une étape officielle qui peut souvent encourager l’emprunteur à régulariser sa situation avant d’en arriver aux recours judiciaires.
Les procédures Judiciaires
En cas d’échec des tentatives amiables, le prêteur peut initier des démarches judiciaires pour récupérer son argent.
- Injonction de payer
La procédure d’injonction de payer est l’une des méthodes les plus rapides et permet d’obtenir un titre exécutoire. Cette démarche est appropriée lorsque la créance n’est pas contestée, et elle nécessite de fournir certains documents justifiant la dette.
Une fois l’injonction de payer validée, le titre exécutoire permet de procéder à des saisies en cas de non-paiement.
- Assignation en paiement
Si l’emprunteur conteste la créance, le prêteur devra alors passer par une assignation en paiement devant le tribunal. Cette procédure est plus longue et peut nécessiter l’assistance d’un avocat expérimenté pour défendre éfficacement le dossier devant le juge.
Elle permet d’obtenir une décision formelle du tribunal sur le montant à rembourser, mais elle représente un investissement en temps et en frais.
- Saisie sur salaire
Dans certains cas, après avoir obtenu un jugement favorable, le prêteur peut demander une saisie sur salaire de l’emprunteur. Cette mesure consiste à prélever directement une partie du salaire de l’emprunteur pour récupérer progressivement la somme due.
La saisie sur salaire est une démarche efficace, mais elle peut avoir des conséquences sur la situation professionnelle et financière de l’emprunteur.
Frais et délais des procédures de recouvrement
Les procédures judiciaires de recouvrement impliquent des frais que le prêteur doit prendre en compte, notamment :
- les honoraires d’avocat ;
- les frais d’huissier pour la signification des documents ;
- et les éventuels frais de justice.
En fonction de la complexité du dossier, ces frais peuvent augmenter.
Le délai d’une procédure d’injonction de payer est généralement plus court que celui d’une assignation en paiement, mais tout recours judiciaire reste sujet à des délais variables en fonction des tribunaux et du niveau de coopération de l’emprunteur.
L’Impact sur le prêteur et sur l’emprunteur
Les démarches de recouvrement de créances ont des répercussions pour les deux parties.
- Pour le prêteur
Pour le prêteur, il est essentiel de faire preuve de patience et de suivre avec rigueur les étapes légales pour espérer récupérer son argent.
Les démarches judiciaires, bien que coûteuses et parfois longues, peuvent garantir un remboursement à terme si elles sont menées avec persévérance.
- Pour l’emprunteur
Pour l’emprunteur, les conséquences peuvent être graves. Un défaut de paiement expose au risque de surendettement, et les procédures de saisie ou de recouvrement peuvent affecter sa situation financière sur le long terme.
En cas de saisie, l’emprunteur peut également être fiché auprès des organismes de crédit, ce qui complique l’accès à de futurs prêts.
III. Conseils pour réussir un prêt entre particuliers
Un prêt entre particuliers peut être une alternative flexible et avantageuse aux prêts bancaires, mais il nécessite quelques précautions pour être mené en toute sécurité. Voici des conseils essentiels pour bien encadrer ce type d’accord.
Bien évaluer la capacité de remboursement
Avant d’accorder un prêt, il est essentiel de vérifier que l’emprunteur possède une réelle capacité financière à rembourser. Les prêts entre particuliers, surtout entre amis ou en famille, doivent être basés sur une confiance mutuelle, mais il ne faut pas ignorer les risques financiers.
Une discussion ouverte sur la situation financière de l’emprunteur permet de mieux évaluer les possibilités de remboursement et d’anticiper d’éventuels problèmes.
En prenant le temps de vérifier si l’emprunteur est en mesure de s’engager financièrement, le prêteur s’assure de la viabilité de l’accord et évite les malentendus.
Mettre par écrit les modalités du prêt
Même dans un contexte de confiance, il est recommandé de formaliser par écrit toutes les modalités du prêt. Un contrat écrit aide à éviter les ambiguïtés et à renforcer la sécurité des deux parties en cas de différend.
Ce document doit inclure des informations précises telles que le montant du prêt, les échéances de remboursement et les intérêts, s’il y en a.
Pour encadrer le prêt de manière formelle, le prêteur peut utiliser des modèles de documents spécifiques aux prêts entre particuliers, incluant une reconnaissance de dette signée par l’emprunteur.
Pour les prêts importants, l’enregistrement auprès de l’administration fiscale confère une date certaine à l’acte.
Ce contrat écrit offre une protection juridique et constitue une preuve en cas de litige.
Enfin, pensez à conserver les preuves de la remise des fonds : par exemple, un virement bancaire ou un reçu signé par l’emprunteur.
Prévoir une caution ou des garanties
Afin de sécuriser davantage le prêt, il peut être judicieux de prévoir une prudence ou une forme de garantie.
Une garantie supplémentaire rassure le prêteur et couvre le risque en cas de difficulté de remboursement de l’emprunteur. Cette garantie peut prendre différentes formes, comme une hypothèque, un gage ou la mise en caution de biens.
En fonction de l’accord entre les deux parties, cette garantie permettra de protéger l’investissement du prêteur en cas de défaut de paiement.
Éviter les conflits par une communication ouverte
La communication ouverte et régulière est un facteur essentiel dans un prêt entre particuliers. Maintenir un contact constant permet de suivre l’évolution de la situation financière de l’emprunteur et d’aborder les problèmes avant qu’ils ne s’aggravent.
En cas de difficulté, une discussion transparente aide à trouver des solutions amiables, comme un réajustement du calendrier de remboursement, tout en préservant les relations personnelles.
La transparence dans les échanges est donc nécessaire pour éviter toute détérioration des relations et pour garantir une gestion harmonieuse de la situation.
En résumé
Le prêt d’argent entre particuliers est une solution pratique et flexible, mais il n’en reste pas moins soumis à des règles strictes. Pour éviter les litiges, il est essentiel de formaliser chaque étape et de suivre les procédures de recouvrement en cas de problème.
Un prêt bien encadré, avec une reconnaissance de la dette, des modalités claires et une communication ouverte, permet de préserver les relations tout en assurant une certaine sécurité juridique.
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