Résiliation de la convention de compte et respect du délai de préavis : Analyse juridique et pratique

Droit bancaire

Cass. com., 12 juin 2024, n° 22-13226

La résiliation d’une convention de compte de dépôt, souvent perçue comme un acte unilatéral de l’établissement de crédit, est encadrée par des règles strictes. Ces règles, issues du Code monétaire et financier ainsi que de la jurisprudence, visent à protéger les droits des clients tout en respectant la liberté contractuelle des banques. Cet article détaille les obligations des établissements bancaires en matière de préavis et explore les conséquences d’un non-respect de ces obligations, à travers l’étude d’une décision récente de la Cour de cassation.

Le cadre juridique de la résiliation bancaire

1. La relation intuitu personae entre la banque et son client

Les opérations bancaires reposent sur une relation de confiance mutuelle entre la banque et son client. Cette nature intuitu personae justifie que les conventions de compte de dépôt à durée indéterminée puissent être resiliées par l’une ou l’autre des parties. Cependant, cette liberté contractuelle est contrebalancée par des obligations, notamment celle de respecter un délai de préavis prévu par l’article L. 312-1-1, V, alinéa 3 du Code monétaire et financier.

2. Les conditions de la résiliation

En vertu de l’article précité, une banque peut résilier un compte bancaire à durée indéterminée en respectant un délai de préavis minimal de deux mois. Ce délai permet au client de réorganiser ses finances ou de trouver une solution alternative. Aucune motivation spécifique n’est requise de la part de la banque dans ce cadre, sauf situations particulières prévues par la loi ou la jurisprudence.

Exemple jurisprudentiel : Cass. com., 12 juin 2024, n° 22-13226

Les faits

Dans l’affaire opposant la société HSBC à Mme N., la banque avait adressé une première notification de résiliation le 18 juillet 2017 par lettre recommandée, suivie d’une seconde notification le 10 août 2017, après que la première lettre n’avait pas été récupérée par la cliente. La banque avait toutefois bloqué l’utilisation de la carte bancaire et les virements associés au compte dès le 29 septembre 2017, soit avant l’écoulement complet du second délai de préavis expirant le 10 octobre 2017.

La décision de la Cour de cassation

Confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Paris (13 janvier 2022), la Cour de cassation a jugé que le comportement de la banque constituait une faute en raison du non-respect du délai de préavis. En conséquence, la banque a été condamnée à verser à Mme N. des dommages et intérêts à hauteur de 2 000 euros.

Les enseignements à tirer

  1. Respect du délai de préavis : La banque doit maintenir les conditions contractuelles jusqu’à l’échéance du délai de deux mois, sous peine d’engager sa responsabilité.
  2. Notification régulière : La réception effective par le client n’est pas une condition de validité de la notification (Cass. 1re civ., 20 janv. 2021, n° 19-20680).
  3. Dommages et intérêts : Le préjudice subi par le client doit être prouvé pour engager la responsabilité de la banque. En l’espèce, Mme X soutenait que la faute de la banque lui avait causé un préjudice car elle n’avait pas pu s’organiser pendant le délai de préavis pour trouver une autre banque et que la rupture injustifiée de son contrat avait été vécue comme une humiliation. Mme X demandait à la Cour de condamner la société HSBC France à lui payer la somme de 5 000 euros à ce titre. Or, elle a obtenu moins de la moitié. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’en droit français, l’allocation de dommages et intérêts est guidée par le principe de réparation intégrale selon lequel toute personne victime d’un dommage doit être indemnisée de manière complète, mais sans excès ni insuffisance. De ce fait, pour obtenir une réparation satisfaisante, la demande de réparation doit être particulièrement bien motivée, détaillée et documentée, dans la mesure du possible.