La falsification de chèques demeure une préoccupation majeure dans le secteur bancaire français. Bien que l’utilisation des chèques ait diminué au profit de moyens de paiement électroniques, les fraudes associées persistent, ce qui entraîne des litiges entre les émetteurs de chèques et les établissements bancaires.
Dans cet article, nous allons examiner en profondeur les obligations et responsabilités des banques en France face aux chèques falsifiés, en mettant l’accent sur la notion d’anomalies apparentes.
Qu’est ce que la falsification de chèques et quels sont ses enjeux ?
Pour comprendre les enjeux juridiques et les responsabilités de la Banque, il convient au préalable de bien comprendre la différence entre un faux chèque et un chèque falsifié.
Quelle est la différence entre un faux chèque et un chèque falsifié ?
Définition des concepts
Faux chèque :
Un chèque est qualifié de « faux » lorsqu’il a été émis dès l’origine avec une signature qui n’est pas celle du donneur d’ordre ou lorsqu’il n’a jamais été valablement émis par le titulaire du compte. En d’autres termes, il s’agit d’un chèque qui n’a jamais eu d’existence légale en tant que titre authentique. Par exemple, un faux chèque peut être créé par une personne qui imite la signature du titulaire du compte ou qui fabrique un chèque inexistant.
Il s’agit d’une contrefaçon dès l’origine, car le chèque n’a jamais été émis de manière régulière. La contrefaçon est définie comme une imitation ou une reproduction frauduleuse d’un titre qui n’a jamais existé légalement.
Un faux chèque n’a jamais eu de validité légale en tant que titre de paiement. Il est donc considéré comme inexistant juridiquement.
Dans ce cas, si le Banquier procède au paiement d’un chèque contrefait, même en l’absence de toute anomalie apparente, en sa qualité de dépositaire il doit par conséquent recréditer le compte du client du montant du chèque (Com. 2 juill. 2002, n°00-10.121). La victime n’a pas à démontrer une faute de la Banque au titre de son devoir de vigilance.
Toutefois, si l’établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d’une faute du titulaire du compte, ou de l’un de ses préposés, le banquier n’est tenu envers lui que s’il a lui-même commis une négligence et ce, seulement pour la part de responsabilité en découlant (Cass. com., 25 oct. 2017, n° 16-10.168).
Chèque falsifié :
Un chèque est considéré comme « falsifié » lorsqu’il a été valablement émis à l’origine, mais qu’il a ensuite été modifié de manière frauduleuse. Cette modification peut concerner des éléments tels que le montant, le nom du bénéficiaire ou d’autres mentions figurant sur le chèque. Par exemple, un chèque falsifié peut être un chèque dont le montant a été surchargé ou dont le bénéficiaire a été modifié après son émission. Dans ce cas, la situation est différente du faux chèque, la banque tirée peut être tenue responsable si elle n’a pas détecté une anomalie apparente sur le chèque falsifié.
Un chèque falsifié est un titre de paiement modifié de manière frauduleuse. Les actions de falsification les plus courantes incluent la modification :
- du montant ;
- du nom du bénéficiaire ;
- de la date ;
- ou de la signature.
Ces manipulations peuvent se faire par grattage, surcharge ou lavage chimique.
Lorsqu’un chèque falsifié est encaissé, l’émetteur peut subir un préjudice financier significatif, d’où l’importance de comprendre les recours possibles et les responsabilités en jeu.
Quelles sont les obligations des banques en matière de vérification ?
En matière de traitement des chèques, les banques sont soumises à une obligation légale de vigilance visant à prévenir et à détecter la fraude.
Cette obligation inclut la vérification de la régularité formelle du chèque, notamment l’authenticité des signatures et l’absence d’altérations visibles ou d’anomalie apparente (Cass. com., 9 juill. 1996, no 94-17.119, no 1329 P ; Cass. com., 28 nov. 1995, no 93-15.472, no 272 P).
En cas de manquement à cette vigilance, la responsabilité de la banque peut être engagée.
La notion d’anomalies apparentes
Une « anomalie apparente » se réfère à toute irrégularité visible à l’œil nu sur le chèque, telle que :
- une rature ;
- un grattage ;
- une surcharge ;
- ou une modification suspecte du nom du bénéficiaire.
La jurisprudence considère que si une anomalie est apparente, la banque doit refuser le paiement du chèque. À défaut, elle engage sa responsabilité et doit rembourser l’émetteur du chèque pour le montant débité. (Cass. com., 17 sept. 2013, n°12-18.202)
Charge de la preuve de falsification en cas de litige
En cas de litige concernant un chèque falsifié, il incombe à l’émetteur de prouver que le chèque a été falsifié.
Toutefois, si la banque ne peut produire l’original du chèque, par exemple en raison de sa destruction, elle doit démontrer que le chèque n’était pas affecté d’une anomalie apparente (Cass. com., 9 nov. 2022, no 20-20.031, no 661 FS – B).
Recours pour l’émetteur d’un chèque falsifié
Lorsqu’un émetteur constate qu’un chèque a été falsifié et encaissé frauduleusement, il doit agir rapidement :
- Opposition au chèque : Contacter immédiatement sa banque pour faire opposition au chèque pour utilisation frauduleuse, conformément à l’article L131-35 du Code monétaire et financier.
- Dépôt de plainte : Déposer une plainte auprès des autorités compétentes pour utilisation frauduleuse (attention, si vous mentionnez trop de détails sur le contexte, la banque pourra peut-être s’en servir contre vous pour prouver le fait que vous avez commis une négligence grave de nature à l’exonérer partiellement ou totalement de sa responsabilité).
- Demande de remboursement : Si la falsification est apparente, la banque est tenue de rembourser le montant du chèque. En revanche, si la falsification n’est difficilement décelable qu’après un examen approfondi, la responsabilité de la banque n’est pas nécessairement engagée.
Prévention des falsifications : Conseils pratiques
Pour minimiser les risques de falsification, il est recommandé aux émetteurs de chèques de :
- Utiliser un stylo à encre indélébile pour remplir les chèques ;
- Éviter de laisser des espaces vides avant ou après les mentions inscrites, en tirant des traits pour combler les vides ;
- Compléter soigneusement le talon du chéquier avec les informations pertinentes, telles que le montant, la date et le bénéficiaire.
Ces précautions simples peuvent contribuer à réduire significativement les risques de falsification.
Évolution récente de la fraude aux chèques en France
Malgré une diminution de l’utilisation des chèques, la fraude associée reste préoccupante. En 2023, la fraude aux paiements est restée stable à 1,195 milliard d’euros, avec une légère augmentation de 0,2%.
Bien que la carte de paiement soit le moyen préféré des Français, le chèque présente toujours un taux de fraude relativement élevé. Toutefois, ce montant diminue grâce à des mesures plus efficaces de lutte contre les chèques suspects.
Conclusion
La falsification de chèques pose des défis importants tant pour les émetteurs que pour les établissements bancaires en France. La notion d’anomalies apparentes joue un rôle central dans la détermination des responsabilités en cas de fraude.
Il est essentiel pour les émetteurs de chèques de prendre des précautions lors de l’émission et pour les banques de maintenir une vigilance accrue lors de l’encaissement.
Une collaboration étroite entre les clients et les banques, soutenue par une compréhension claire des obligations et responsabilités de chacun, est fondamentale pour prévenir et gérer efficacement les cas de chèques falsifiés.