L’usurpation d’identité est un phénomène de plus en plus préoccupant à l’ère du numérique. En effet, l’accès facile aux données personnelles, combiné à l’évolution des techniques de cybercriminalité, expose les individus et les organisations à de graves conséquences.
Dans cet article, nous aborderons les enjeux liés à ce phénomène, les mesures préventives à adopter, ainsi que les recours juridiques disponibles pour les victimes.
Que faut-il comprendre par l’usurpation d’identité ?
L’usurpation d’identité est également connue sous le nom d’identité volée ou d’escroquerie à l’identité. C’est un type de fraude qui consiste à utiliser, à des fins malveillantes, les informations personnelles d’une autre personne sans son consentement.
Il peut s’agir de son nom, son numéro de sécurité sociale, ses informations bancaires ou encore ses identifiants numériques.
Cette fraude peut prendre de nombreuses formes, telles que :
- la création de comptes bancaires ou de crédits sous une fausse identité ;
- l’achat de biens en ligne ;
- ou encore la prise de contrôle de comptes sur les réseaux sociaux.
Ce phénomène est devenu de plus en plus répandu avec l’avènement de la technologie et des réseaux sociaux, qui ont facilité la collecte et l’exploitation des informations personnelles.
L’usurpation d’identité : Quels sont les éléments constitutifs de cette infraction ?
L’article 226-4-1 du Code pénal dispose que l’usurpation d’identité consiste en :
- Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou
- Faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier,
et ce, en vue de troubler la tranquillité de la victime ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération.
Ainsi, pour constituer ce délit en droit français, trois éléments doivent être réunis :
1. Utilisation d’informations personnelles sans accord du propriétaire (Acte d’ursupation)
L’infraction repose sur deux comportements distincts :
- L’usurpation d’identité proprement dite, qui consiste à se faire passer pour une autre personne.
- L’utilisation de données permettant d’identifier un tiers, sans nécessairement se faire passer pour lui
Cela peut inclure le nom, la date de naissance, l’adresse, les coordonnées bancaires, la photo, ou tout autre donnée sensible permettant d’identifier la victime.
2. Intention de nuire ou de tromper (Intention frauduleuse)
L’infraction exige un dol spécial, c’est-à-dire une intention spécifique de nuire. L’auteur doit avoir agi :
- Soit pour troubler la tranquillité de la victime ou celle d’autrui.
- Soit pour porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime
L’usurpateur doit avoir l’intention de causer un préjudice à la victime ou de tromper un tiers pour obtenir un avantage. Il peut s’agir par exemple de commettre une fraude, porter atteinte à la réputation de la victime ou encore réaliser des actes illégaux en son nom (ex. : souscrire des contrats frauduleux).
3. Préjudice potentiel ou réel
La victime doit démontrer qu’elle a subi ou qu’elle pourrait subir un préjudice à cause de l’usurpation de son identité. Cela peut inclure des impacts financiers, juridiques ou émotionnels.
4. Les Sanctions
L’usurpation d’identité est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne. Ces peines peuvent être aggravées dans certaines circonstances, notamment lorsque l’infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un PACS à la victime. Dans ce cas, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
Les différents enjeux de l’usurpation d’identité
1. Enjeux économiques et financiers (Perte financière)
Les victimes peuvent constater leur identité être utilisée pour contracter des dettes, ouvrir des comptes bancaires ou effectuer des achats en ligne.
Pour les entreprises, cela peut entraîner une baisse du chiffre d’affaires en raison de la perte de confiance de la clientèle, des pénalités financières et la perte de partenaires commerciaux, etc.
2. Enjeux sociaux et psychologiques
Les victimes peuvent faire face à une atteinte à leur réputation en raison de l’utilisation de leur identité pour la commission des actes illégaux ou pour diffamation.
Cela peut entraîner chez eux des maux comme le stress, l’angoisse et la perte de confiance. Se voir dépossédé de son identité ou être victime d’accusations injustifiées peut engendrer un profond traumatisme.
3. Enjeux juridiques et de responsabilité
L’usurpation d’identité entraîne également des défis juridiques. Par exemple, dans le cas où un criminel utilise l’identité d’une personne pour commettre un délit, la victime peut se retrouver impliquée malgré elle dans des procédures judiciaires.
4. Enjeux liés à l’emploi et au logement
Les usurpateurs peuvent utiliser l’identité de la victime pour postuler à des emplois ou louer des logements, ce qui peut entraîner des problèmes pour la victime lorsqu’elle essaiera de trouver un emploi ou un logement.
Les méthodes courantes d’usurpation d’identité
Les criminels exploitent diverses techniques pour collecter et utiliser les données personnelles. Avoir une connaissance de celles-ci peut vous aider à prendre des précautions en amont.
Parmi les méthodes les plus courantes, on retrouve :
- Le phishing (hameçonnage) : l’envoi de courriels frauduleux qui incitent les victimes à partager leurs informations sensibles.
- Le vol de documents : papiers d’identité, factures ou relevés bancaires jetés sans précautions dans des poubelles ou volés dans les boîtes aux lettres.
- Le skimming : une technique qui consiste à copier les informations de cartes bancaires à l’aide de dispositifs installés sur des terminaux de paiement.
- Les logiciels malveillants : des virus ou logiciels espions installés à l’insu de la victime pour collecter des informations.
- Le piratage des comptes : en accédant aux réseaux sociaux ou aux adresses électroniques des victimes, les cybercriminels peuvent se faire passer pour elles.
Avec le développement de l’intelligence artificielle, l’usurpation d’identité va être de plus en plus facile à mettre en oeuvre et de plus en plus difficile à déjouer. Voici quelques exemples récents illustrant ces méthodes sophistiquées :
1. Usurpation de voix (Deep Voice) pour des fraudes financières :
En 2020, un directeur de banque aux Émirats arabes unis a été victime d’une arnaque où les fraudeurs ont utilisé une technologie de synthèse vocale basée sur l’IA pour imiter la voix du PDG d’une entreprise. Ils ont ainsi convaincu le directeur d’autoriser des transferts totalisant 35 millions de dollars.
2. Phishing amélioré par l’IA :
Les cybercriminels utilisent désormais l’IA pour créer des courriels et des sites web de phishing extrêmement convaincants. Ces messages frauduleux, souvent exempts d’erreurs grammaticales et personnalisés à partir de données recueillies en ligne, incitent les victimes à divulguer des informations sensibles ou à effectuer des transactions financières.
3. Création de faux sites web à l’aide de l’IA :
Des escrocs conçoivent de faux sites web en utilisant l’IA, puis envoient des liens par courriel ou sur les médias sociaux. Ces sites peuvent imiter des plateformes de paiement en ligne ou des boutiques, incitant les victimes à saisir leurs informations bancaires, qui sont ensuite exploitées frauduleusement.
4. Usurpation d’identité via des deepfakes :
Les deepfakes, qui sont des vidéos ou des enregistrements audio falsifiés à l’aide de l’IA, permettent aux fraudeurs d’usurper l’identité de personnes de confiance. Par exemple, en 2024, une entreprise britannique a été escroquée de 25 millions de dollars après qu’un employé a été convaincu, via un deepfake vidéo, qu’il parlait à son supérieur hiérarchique.
5. Utilisation de l’IA pour créer de faux documents d’identité :
En décembre 2024, la police nationale espagnole a démantelé une organisation criminelle qui utilisait l’IA pour générer de faux documents d’identité. Ces documents étaient utilisés pour ouvrir des comptes bancaires en ligne, servant ensuite à blanchir de l’argent provenant d’escroqueries.
Quelles sont les mesures préventives pour limiter les risques d’usurpation d’identité ?
Pour réduire les risques, plusieurs bonnes pratiques et mesures de protection peuvent être mises en place par les particuliers et les entreprises.
a. Pour les particuliers
- Protection des données personnelles : Il est essentiel de ne pas divulguer vos informations sensibles, comme le numéro de sécurité sociale, les coordonnées bancaires et les identifiants de connexion, sauf sur des plateformes sécurisées.
- Utilisation des mots de passe forts : Les mots de passe devraient comporter des caractères spéciaux, des chiffres ainsi que des lettres majuscules et minuscules, afin de rendre plus difficile toute tentative de piratage.
- Sensibilisation à la vigilance numérique : Evitez de cliquer sur des liens suspects et abstenez-vous de fournir des informations personnelles en ligne en cas d’incertitude quant à la fiabilité de l’émetteur.
- Vérification des relevés bancaires : Surveillez régulièrement vos comptes pour détecter toute transaction suspecte.
- Protection des appareils : Installez des logiciels antivirus et mettez régulièrement à jour votre système d’exploitation pour réduire le risque d’attaques.
- Safe word : Un safe word (ou mot de sécurité) est un mot ou une phrase convenue à l’avance entre deux personnes pour authentifier une conversation en cas de doute. L’utilisation d’un safe word dans une discussion peut être un excellent moyen de se prémunir contre les arnaques liées aux deepfakes et à l’usurpation d’identité par intelligence artificielle.
b. Pour les entreprises
- Sensibilisation des employés : Formez les employés aux risques liés à la cybercriminalité et aux bonnes pratiques en matière de gestion de données personnelles.
- Mise en place des contrôles d’accès : Limitez l’accès aux informations sensibles seulement aux employés qui en ont besoin pour accomplir leurs tâches.
- Réalisation d’audits de sécurité : Evaluez régulièrement votre système de sécurité et corrigez les éventuelles failles.
- Utilisation de logiciels de détection de fraude : Ces logiciels peuvent détecter les comportements suspects et alerter les responsables en cas d’anomalies.
- Protection de données clients : En adoptant des pratiques de cryptage et en se conformant aux réglementations de protection des données (telles que le RGPD en Europe), les entreprises peuvent limiter les risques d’atteinte aux informations de leurs clients.
- Safe word : Un safe word (ou mot de sécurité) est un mot ou une phrase convenue à l’avance entre deux personnes pour authentifier une conversation en cas de doute. L’utilisation d’un safe word dans une discussion peut être un excellent moyen de se prémunir contre les arnaques liées aux deepfakes et à l’usurpation d’identité par intelligence artificielle.
Quels sont les recours juridiques pour les victimes d’usurpation d’identité ?
Lorsque les mesures préventives échouent, il est important pour les victimes de connaître les recours juridiques disponibles pour se protéger et restaurer leur identité.
1. Porter plainte auprès des autorités compétentes
En France, toute personne victime d’usurpation d’identité peut porter plainte auprès de la police ou de la gendarmerie.
La victime doit fournir le maximum de preuves pour faciliter l’enquête, comme des relevés de compte, des messages suspects ou des copies de transactions frauduleuses.
2. Informer l’organisme financier concerné
Si l’usurpation d’identité implique des opérations bancaires, la victime doit immédiatement signaler la fraude à son établissement financier afin de minimiser les risques de fraude future.
La banque peut bloquer le compte et entamer une enquête pour clarifier les circonstances du vol. En général, la banque est tenue de rembourser les sommes volées si la victime n’a pas commis de négligence grave.
3. Le recours au civil pour réparer le préjudice
Les victimes peuvent engager une action en justice pour obtenir une indemnisation des dommages subis.
En cas de préjudice moral ou financier grave, il est possible de demander des dommages-intérêts pour compenser les conséquences de l’usurpation d’identité. Cette démarche peut s’avérer longue et nécessiter l’intervention d’un avocat spécialisé.
4. Le soutien des autorités en ligne
En France, la plateforme gouvernementale cybermalveillance.gouv.fr propose un accompagnement et des conseils aux victimes de cyberattaques, notamment les usurpations d’identité.
D’autres organismes, comme les associations de protection des consommateurs, peuvent également apporter des conseils utiles et orienter les victimes dans leurs démarches.
5. Saisir le tribunal
Pour les préjudices graves, une action en justice peut être envisagée. En France, les articles du code pénal 434-23 et 226-4-1 précisent les sanctions liées aux infractions d’usurpation d’identité.
Pourquoi l’intervention d’un avocat en droit bancaire est nécessaire ?
Pour une victime d’usurpation d’identité, recourir aux services d’un avocat spécialisé en droit bancaire peut être déterminant pour résoudre efficacement les complications juridiques et financières liées à ce type de fraude. Un avocat expérimenté peut fournir des conseils précis et adaptés pour défendre les droits de la victime, et l’assister dans toutes les démarches nécessaires.
Il peut aussi aider la victime à obtenir un remboursement rapide des sommes volées, notamment en prouvant qu’elle n’a pas commis de négligence dans la protection de ses données.
De plus, en cas de contentieux avec la banque ou d’indemnisation insuffisante, l’avocat peut intervenir pour défendre les intérêts de la victime devant les juridictions compétentes.
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