Votre débiteur tarde à honorer ses obligations ? Vous avez déjà tenté plusieurs démarches sans succès et vous vous demandez s’il existe des moyens efficaces pour garantir le recouvrement de votre créance ? Ou bien, vous êtes débiteur et vous souhaitez comprendre les conséquences d’une saisie conservatoire sur votre compte bancaire, ainsi que les recours possibles ?
Ce mécanisme juridique soulève de nombreuses questions pour les deux parties.
Dans cet article, nous allons explorer en détail le fonctionnement de cette procédure : les conditions pour l’engager, les étapes à suivre ainsi que les droits et recours qui s’offrent aux créanciers comme aux débiteurs.
Pour garantir le recouvrement de votre créance ou la protection de votre actif, faites appel à un avocat en droit bancaire pour vous conseiller et vous défendre.
Qu’est-ce qu’une saisie conservatoire de créances sur compte bancaire ?
La saisie conservatoire de créances sur compte bancaire est une procédure légale qui permet à un créancier de bloquer temporairement des fonds sur le compte bancaire d’un débiteur (C. exécution art. L 511-1, al. 1, anciennement loi 91-650 du 9-7-1991 art. 67, al. 1).
Elle est utilisée pour protéger les droits du créancier lorsqu’il y a un risque que le débiteur essaie d’éviter le paiement ou d’organiser son insolvabilité.
Le blocage est réalisé par la banque et empêche le débiteur d’utiliser les sommes saisies, tout en assurant au créancier que les fonds seront disponibles en cas de jugement en sa faveur.
Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la saisie conservatoire de créances sur compte bancaire ?
Pour mettre en œuvre une saisie conservatoire de créances sur un compte bancaire, certaines conditions doivent être remplies.
Ces conditions visent à garantir un équilibre entre la protection des actifs et les droits des débiteurs en limitant les saisies aux situations où elles sont strictement nécessaires.
1. Justification de la créance
Le créancier doit démontrer que sa créance paraît fondée en son principe. Pour ce faire, le créancier doit justifier de l’existence et du sérieux de sa demande de remboursement. Il peut s’agir d’une créance commerciale, civile ou fiscale, mais elle doit être suffisamment fondée pour justifier une mesure de saisie.
Le créancier peut présenter des éléments tels que des factures impayées, des contrats, des relevés bancaires ou des jugements antérieurs prouvant l’existence de la créance.
2. Présentation d’un titre de créance
D’après le code de procédure civile L.511-2, une autorisation judiciaire n’est pas nécessaire pour précéder à une saisie conservatoire lorsque le créancier soutient sa démarche avec l’un des éléments suivants :
- Une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire ;
- Un titre exécutoire (par exemple un jugement antérieur reconnaissant la dette) ;
- Un chèque impayé ;
- Un loyer resté impayé (sur présentation du bail dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles) ;
- Un défaut de paiement d’un billet à ordre ou d’une lettre de change acceptée.
Lorsqu’il est muni de l’un de ces titres, le créancier peut directement demander la saisie conservatoire en passant par un commissaire de justice (Huissier de justice).
3. Obtention d’une autorisation judiciaire
En l’absence de l’un des titres de créances énumérés précédemment, le créancier doit demander l’autorisation du juge pour effectuer la saisie conservatoire. Cette autorisation permet d’éviter des saisies abusives et protège les droits des débiteurs.
Le juge compétent rationae materiae pour autoriser une mesure conservatoire est en principe le juge de l’exécution (C. exécution art. L 511-3).
Toutefois, lorsque la créance à conserver relève de la compétence de la juridiction commerciale et que la demande est formulée avant tout procès, l’autorisation peut également être accordée par le président du tribunal de commerce (C. pr. exéc., art. L. 511-3). Cette compétence est concurrente avec celle du juge de l’exécution, ce qui signifie que le créancier peut choisir de saisir l’un ou l’autre.
Le juge territorialement compétent pour autoriser la mesure conservatoire est celui de l’exécution du lieu où demeure le débiteur (C. exécution art. R 511-2). Cette règle est d’ordre public, ce qui signifie que toute clause contraire est réputée non avenue, et le juge saisi doit relever d’office son incompétence. Si le débiteur réside à l’étranger ou si son domicile est inconnu, l’article R. 121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que le juge compétent est celui du lieu où la mesure conservatoire doit être exécutée.
4. Présentation de la preuve du risque de non-recouvrement
Le créancier doit également justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, c’est-à-dire prouver l’urgence de la situation, notamment un risque réel que le débiteur organise son insolvabilité en se débarrassant de ses biens ou de ses fonds pour rendre le recouvrement de la créance difficile voire impossible.
Cette situation de risque doit justifier la nécessité de bloquer les fonds disponibles sur le compte bancaire du débiteur pour garantir le paiement futur.
Quelles sont les étapes de la saisie conservatoire de créances sur compte bancaire ?
Voici quelques étapes à suivre pour garantir la légalité de cette démarche :
1. Demande au juge
La première étape pour le créancier consiste à formuler une demande de saisie auprès du juge compétent, sauf s’il dispose déjà d’un titre exécutoire (comme un jugement).
La demande d’autorisation est formulée par voie de requête, qui doit être déposée auprès du juge compétent. Cette requête doit contenir des informations précises, notamment la créance invoquée, les biens concernés, et les circonstances justifiant la mesure conservatoire.
Il doit présenter un dossier complet qui détaille la nature de la créance, son montant, ainsi que les éléments prouvant le risque d’insolvabilité du débiteur.
Si le juge estime la demande justifiée et toutes les conditions réunies, il rend une ordonnance autorisant la saisie conservatoire. Cette autorisation préalable vise à prévenir les abus et à vérifier la légitimité de la créance.
2. Signification de l’ordonnance à la banque
Une fois l’autorisation obtenue, le créancier est tenu de mandater un commissaire de justice pour notifier l’ordonnance de saisie à la banque du débiteur.
3. Exécution de l’ordonnance et maintien du blocage jusqu’à décision finale
La banque, en tant que tiers saisis, est alors tenue de bloquer les fonds présents sur le compte bancaire jusqu’à ce que la situation soit régularisée ou qu’un jugement définitif soit rendu.
Si le créancier ne dispose pas d’un titre exécutoire et qu’il n’a pas encore introduit de procédure au fond, il doit, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité de celle-ci, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire (C. pr. exéc., art. R. 511-7 ; Cass. com., 27 juin 2000, no 98-15.911, no 1470 FS – P ; Cass. 2e civ., 22 mars 2018, no 16-23.013, no 373 D). En outre, il doit signifier au tiers saisi à peine de caducité de la mesure, une copie des actes attestant les diligences pour l’obtention d’un titre exécutoire dans un délai de 8 jours à compter de leur date (R. 511-8 C. pr. exéc).
Si le créancier a déjà engagé la procédure au fond avant la saisie conservatoire, la Cour de cassation retient que l’article R. 511-8 C. pr. exéc., qui oblige le créancier à signifier au tiers saisi, à peine de caducité de la mesure, une copie des actes attestant les diligences pour l’obtention d’un titre exécutoire dans un délai de 8 jours à compter de leur date, est sans application dès lors que les diligences requises ont été faites avant la signification de la saisie (Cass. 2e civ., 30 janv. 2002, no 99-21.278).
La saisie conservatoire est provisoire. Elle garantit simplement que les fonds seront disponibles si le juge donne raison au créancier lors du jugement définitif.
4. Alerte du débiteur
Dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie doit être portée à la connaissance du débiteur par acte extrajudiciaire (C. exécution art. R 523-3, al. 1) ; en cas de saisie d’un compte joint, elle doit être notifiée à tous les cotitulaires du compte, même s’ils sont étrangers à la saisie (TGI Nanterre 8-9-1994 : Bull. inf. C. cass. 1994 n° 1173).
Le débiteur est informé par voie d’huissier, ce qui lui permet de connaître les motifs et les montants de la créance. Cela lui donne également la possibilité de contester la saisie en justice.
Les deux issues possibles des démarches judiciaires de saisie conservatoire
1. Obtention d’un titre exécutoire par le créancier
Si le créancier obtient un titre exécutoire à l’issue du procès (par exemple un jugement), il pourra transformer la saisie conservatoire en saisie attribution, ce qui lui permettra de se faire payer directement sur les fonds bloqués. Il peut alors récupérer la totalité ou une partie des sommes qui lui sont dues.
2. Transformation de la saisie conservatoire en saisie attribution
Après avoir obtenu un titre exécutoire (art. L.523-2, R 523-7 et R 523-10), le créancier est en droit de convertir la saisie conservatoire en saisie-attribution. Cette conversion, qui n’est soumise à aucun délai, doit être signifiée au débiteur (Com. 2 mars 2010, n°08-19.898).
Le débiteur dispose alors de quinze jours pour affirmer son désaccord avec cet acte de conversion, en saisissant le juge de l’exécution de sa ville de résidence.
En l’absence de contestation de la part du débiteur, le créancier peut solliciter le paiement auprès de la banque, en présentant un certificat attestant de l’absence de contestation. Cette demande entraîne alors l’attribution immédiate de la saisie de créance (Cass. civ. 2, 31 mars 2011, n°10-12.269).
3. Mainlevée de la saisie
Dans le cas où le juge annule la créance ou donne raison au débiteur, la saisie conservatoire est levée, et les fonds bloqués sont libérés. La banque remet alors les sommes saisies à la disposition du débiteur.
Quels sont les effets de la saisie conservatoire ?
La saisie conservatoire entraîne plusieurs effets juridiques et pratiques pour le créancier, le débiteur et les tiers impliqués (principalement la banque).
1. Effet sur les fonds du compte bancaire
Dès que la banque reçoit l’ordonnance, elle bloque immédiatement les fonds présents sur le compte bancaire, jusqu’à hauteur de la créance due. La saisie conservatoire rend les créances saisies indisponibles à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée (C. exécution L. 141-2). Les sommes saisies sont consignées entre les mains du tiers saisi, conférant au créancier un privilège de paiement.
Le débiteur ne pourra plus accéder aux fonds bloqués ni effectuer des retraits ou des virements qui réduiraient le solde du compte en dessous du montant de la saisie de créance.
2. Effet sur le débiteur
La saisie conservatoire peut avoir des conséquences financières importantes pour le débiteur. Ce dernier se voit privé d’une partie ou de la totalité de ses liquidités, ce qui peut impacter sa gestion courante, notamment le paiement des autres créanciers ou des charges courantes.
3. Effet pour le créancier
Pour le créancier, la saisie conservatoire constitue une garantie solide. Elle lui assure la disponibilité des fonds nécessaires au paiement de la créance en cas de victoire lors du procès.
Comment contester une saisie conservatoire de créances sur compte bancaire ?
Le débiteur a le droit de contester la saisie conservatoire de créances s’il estime qu’elle est injustifiée ou que les conditions ne sont pas réunies.
Il peut saisir le juge pour contester la saisie, notamment si :
- le créancier n’a pas respecté les règles de procédure ;
- la créance n’est pas justifiée ;
- le débiteur n’est pas le propriétaire des biens saisis ;
- ou s’il n’existe pas de péril réel (risque de non-recouvrement).
Pour ce faire, il doit :
- Introduire une requête en contestation de la saisie conservatoire devant le juge ;
- Présenter des arguments pour justifier sa contestation, tels que la créance n’est pas certaine, liquide ou exigible ;
- Fournir des preuves pour étayer ses arguments.
Selon les cas, le juge compétent peut être :
- Le juge de l’exécution qui a autorisé la mesure ;
- Le juge de l’exécution du lieu où demeure le débiteur, si la mesure a été prise sans autorisation préalable.
Dans certains cas spécifiques, comme les créances commerciales, le président du tribunal de commerce peut également être compétent.
Le débiteur peut contester directement devant le juge de l’exécution les conditions de validité de la mesure conservatoire (saisie conservatoire ou sûreté judiciaire). Si celles-ci ne sont pas réunies, la mainlevée peut être donnée par le juge de l’exécution à tout moment, même si la mesure a été prise sans son autorisation (CPC exéc., art. R. 512-1).
Lorsque la contestation porte sur la saisissabilité des biens, le juge de l’exécution a également une compétence directe pour en connaître, qu’il ait ou non autorisé la mesure. La procédure doit être introduite dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’acte (renvoi de l’article R. 522-6 du CPC exéc. à l’article R. 221-53 du CPC exéc.).
Le juge examine alors la validité de la saisie et peut décider de sa mainlevée si les conditions légales ne sont pas remplies. Le débiteur peut également demander un aménagement de la saisie s’il prouve qu’elle lui cause un préjudice financier disproportionné.
Cette intervention garantit un équilibre entre les droits du créancier et ceux du débiteur.
Les alternatives pour les débiteurs pour éviter la saisie conservatoire
Dans certaines situations, il est possible pour le débiteur de proposer des alternatives pour éviter une saisie conservatoire.
Par exemple, le débiteur peut négocier un paiement échelonné de la créance ou offrir une autre garantie au créancier, telle qu’un gage ou une hypothèque. Cela permet de préserver la liquidité du débiteur tout en assurant une certaine sécurité pour le créancier.
L’Importance de faire appel à un avocat en droit bancaire
La saisie conservatoire de créances sur compte bancaire est une procédure complexe qui nécessite une connaissance approfondie du droit des procédures civiles d’exécution.
Que l’on soit créditeur ou débiteur, l’assistance d’un avocat en droit bancaire est essentielle pour s’assurer que la procédure est menée de manière optimale et dans le respect des droits de chaque partie.
Pour le créancier
Un avocat peut aider à établir un dossier solide et à démontrer l’existence de la créance ainsi que le risque de péril. Chez Lebot-Avocat, nous accompagnons nos clients dans toutes les étapes de la procédure de saisie conservatoire, de la constitution du dossier jusqu’à l’obtention de l’ordonnance de saisie.
Nous les conseillons également sur les meilleures stratégies pour maximiser leurs chances de recouvrement et les assistons dans la transition de la saisie conservatoire en saisie exécutoire, si nécessaire.
Pour le débiteur
Pour le débiteur, l’assistance d’un avocat est essentielle afin d’évaluer les options de contestation et de défense. Notre Cabinet examine la validité de la saisie conservatoire et, si nécessaire, prépare un dossier pour contester la mesure auprès du juge.
Nous travaillons également avec le débiteur pour envisager des solutions alternatives, telles que des négociations de paiement ou des garanties substitutives, afin de réduire les impacts financiers de la saisie.